Le rendez-vous est donné à Ailefroide, haut lieu de l’alpinisme français; tout un symbole. Tom, Rémi, Nicolas et Rudy sont déjà en tenue historique et font sensation dans le hameau. Nous sommes le 14 juillet et nombre de touristes pensent à une animation. Il n’en est rien! Il s’agit d’une bande de copains, des passionnés qui veulent en découdre en se mettant dans la peau des conquérants de l’époque et en rendant hommage à ces pionniers et guides qui ont fait l’âge d’or de l’alpinisme des années 1855-1865 et les années 30.
Il est 14h ce dimanche quand nous entamons la remontée du Vallon de Celse Nière en direction de notre objectif le refuge du Sélé + de 1000 m de dénivelés plus haut. Nous longeons le torrent bien raviné sur des centaines de mètres à cause des pluies intenses de ces dernières semaines. Quelques jeunes chamois nous observent en jouant et courant sur les névés encore bien présents à basse altitude. Le chemin serpente au milieu des mélèzes et nous nous élevons tranquillement. Nous laissons le chemin d’accès au refuge du Pelvoux pour plonger un peu plus dans le vallon jusqu’au pied de la vire de 250 m de haut. Le refuge est juste au dessus à portée de nous. Mais les passages sont délicats et la fatigue se fait sentir. On le sait la récompense d’une bonne bière à l’arrivée nous motive.
18h. Nous sommes enfin arrivés au refuge du Sélé. je vais prévenir la gardienne Sophie que la « cordée histo » est là. Les gars font sensation et répondent à de nombreuses questions. Plusieurs guides sont admiratifs. On se remémore les pionniers et premières conquêtes dans les Alpes. La soirée se poursuit avec un bon repas et quelques « déconnades ». 20h30, il est temps d’aller se coucher car le lendemain une longue et dure journée nous attend.
4h du matin, le réveil sonne. Les gars se lèvent en silence sans broncher. C’est toujours un moment particulier où se mêlent excitation et appréhension. Nous faisons les sacs, vérifions une dernière fois que rien n’a été oublié et partons dans la nuit noire. La traversée de la moraine nous met déjà à rude épreuve. Le chemin est défoncé, les cailloux instables. Il faut être vigilant. 6h du matin, l’aube s’éveille laissant apparaitre les géants qui nous entourent. Nous arrivons au pied des névés qui descendent très bas. Nous nous équipons : crampons, piolets et cordes en chanvres. Les gars jouent le vrai. Pas un seul équipement moderne; tout est d’époque. Je suis le seul à avoir un baudrier et un casque. Nous formerons deux cordées. Noeud de huit sur la chanvre ok. Je prend la tête et entame la remontée du couloir suivi par mes fidèles compagnons. Nous remontons la langue glacière du glacier de Sélé. Les conditions sont excellentes, les crevasses bien remplies de neige. Nous restons tout de même vigilants et contournons quelques « cicatrices » visibles. Arrivés sur le replat vers 3000 m d’altitude, le col est enfin en vue mais il reste encore de la distance et presque 300 m de dénivelé. Pas de quoi entamer le moral des troupes. Les gars sont confiants. Pas à pas nous poussons nos limites, mais avançons en costauds. Le dernier coup de dénivelé final se passe sans encombre dans une neige ramollie par le soleil bien présent. 8h30, enfin le col à 3283 m, entouré par les crêtes des Boeufs Rouges et la pointe du Sélé. Derrière, l’impressionnant vallon glacière de la Pilatte dominé par la massive face nord des Bans. Je félicite les gars et suis fier d’eux. Ils ont fait revivre la mémoire de nos ancêtres avec bravoure et respect pour nos montagnes. Devant nous s’étire le glacier du Sélé que nous venons de remonter. Il est encore impressionnant et massif.
Après quelques images, il est environ 9h30 quand nous entamons la descente du glacier. Le casse croute aura lieu au pied des névés sur la moraine. Cette pause nous permet de reprendre des forces car la route est encore longue pour rejoindre Ailefroide. Nous contemplons les Ailefroides et l’impressionnante face sud-ouest du Pelvoux. Nous nous rêvons la haut en conquérants. La descente est difficile et dure pour les organismes, mais déjà pleine d’images et de souvenirs. 17h Ailefroide enfin. Mission accomplie. La bière s’impose à tout le monde. Déjà nous nous projetons sur d’autres ascensions ici ou ailleurs…